Le shushoku

L’une des nombreuses différences culturelles entre le Japon et la France (et entre l’Asie et l’Occident) sont les habitudes alimentaires. Et au-delà des ingrédients utilisés pour faire la cuisine, il y a l’ordre et la façon de manger les choses.

Ainsi le repas français typique est constitué d’une entrée, un plat principal, un fromage et un dessert. Ces mots sont donc intraduisibles en japonais (du moins sans utiliser des mots anglais transcrits en japonais).

Lors d’un repas typique japonais, on apporte tout sur la table et on mange tout en même temps (le sucré, le salé, le fromage et tout ce que vous voulez). Et il existe naturellement des termes pour décrire les différentes « fonctions » des aliments, qui sont intraduisibles en français.

Ce qui pose toujours un problème quand on me demande « c’est quoi le shushoku en France ? ». Tout simplement parce qu’il n’y a pas de shushoku en France.

Le shushoku, c’est quoi ?

Etymologiquement ce mot est constitué des sinogrammes 主(principal) et 食 (manger, repas). Concrètement c’est l’ingrédient qui sert de base consistante à un repas et qui est généralement assez fade en soi. C’est le truc qui sert à bien vous remplir la panse pour ne pas vous réveiller à deux heures du matin avec le ventre qui fait le bruit d’une tondeuse à gazon (d’importance majeure donc).

Au Japon c’est le riz. Si vous ne voyez toujours pas ce que je veux dire, voici d’autres exemples : le shushoku du couscous c’est la semoule, le shushoku des spaghetti à la bolognaise ce sont les spaghettis, le shushoku du gratin de chou-fleur c’est le chou-fleur. Le shushoku est donc ce que l’on accompagne de sauce et/ou de divers autres mets.

Seulement en France nous n’avons pas de shushoku général comme le riz en Asie. Beaucoup de gens au Japon me demande si le shushoku en France c’est la baguette. Sauf que la comparaison est quand même très limitée, car on ne mélange pas le pain avec le reste n’importe comment. Le seul plat où selon moi on pourrait considérer que le pain est le shushoku c’est la fondue.
Bref, quand on me demande ce qu’est le shushoku en France je suis bien embêté.

Quels sont les autres constituants du repas japonais ?

Okazu ou fukushoku : C’est ce qui accompagne le riz, c’est-à-dire la viande, le poisson, la salade, la soupe, etc. C’est souvent traduit en anglais par side dish (plat d’accompagnement), mais c’est une traduction qui me déplaît. L’okazu est ce qui va donner du goût et de la consistance à votre shushoku ; Il est donc quasiment impossible d’avoir un repas sans okazu (sinon concrètement vous ne mangez qu’un bol de riz). Alors qu’en anglais le side dish est quelque chose qui vient en plus du plat principal, et donc quelque chose dont on peut se passer, contrairement à l’okazu.

L’okazu peut ensuite être resubdivisé en deux catégories : le shusai, qui désigne l’accompagnement principal, c’est-à-dire en général la viande ou le poisson, et le fukusai, qui désigne les accompagnements auxiliaires tels que la salade et la soupe.

Sakana (ou tsumami) : ce sont des petits trucs que l’on mange en guise d’accompagnement de l’alcool. En général, c’est un genre de petits gâteaux apéritifs salés, du chou ou des edamame (haricots japonais), mais cela peut en fait être à peu près n’importe quoi (même des sashimis ou des yakitoris) du moment que ça accompagne de l’alcool et que c’est servi en petite quantité. Attention ces derniers sont aussi parfois appelés side dish en anglais. On voit ici que le terme side dish appliqué à la cuisine japonaise peut désigner à peu près tout et n’importe quoi (sauf le riz), ce qui montre encore une fois la difficulté d’utiliser les termes d’une langue pour décrire certains aspects d’une autre culture.

Tous les repas japonais contiennent-ils chacun de ces composants ?

Non, il s’agit là de concepts généraux, qui s’appliquent au beau repas traditionnel japonais. Si en France on peut réduire son repas à un simple plat et sauter l’entrée, le fromage et dessert, les japonais peuvent aussi parfaitement se contenter d’un bol de ramen sans rien à côté.

Par ailleurs, il y a certains repas où les termes du dessus ne sont pas applicables. Dans une raclette, on ne peut pas dire que les pommes de terre et la charcuterie sont le « plat » et le fromage à raclette le « fromage », car tout se mange en même temps. De la même manière, dans les plats japonais où plusieurs choses sont mélangées tel le riz au curry ou les sushis, on ne considère pas le riz comme shushoku et le reste comme okazu.

Pour l’anecdote

Le fait de manger tout en même temps dans les repas japonais fait qu’ils n’ont pas de notion « d’ordre des goûts » comme nous, à savoir notamment manger le sucré en dessert. Ainsi, si dans un restaurant au Japon (hors restaurants à l’occidentale de luxe) vous commandez en même temps une glace et une pizza, il est fort probable que votre glace arrivera en premier, étant donné qu’il n’y a pas d’ordre et que le temps de cuisson de la glace est généralement inférieur à celui de la pizza. Ce qui ne dérange absolument pas les japonais. Du coup vos amis japonais peuvent avoir du mal à comprendre pourquoi vous ne touchez pas à ce très bon gâteau que vous avez sous le nez.

Pierre

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