La langue japonaise et la langue coréenne se ressemblent-elles ?

On me demande souvent si le japonais et le coréen sont des langues proches. Ce à quoi ma réponse est toujours la même : c’est proche comme l’anglais et le français. Ce à quoi on me répond là encore toujours la même chose : « mais non Pierre, le français et l’espagnol sont proches, mais le français et l’anglais sont très différents ». Et évidemment ne pouvant donner beaucoup d’arguments comme ça au milieu d’une conversation, je laisse souvent tomber, malgré que je sache que j’ai raison (qui a dit « comme d’habitude »??). Le problème vient du fait que lorsque l’on n’a jamais appris ce que j’appelle une « langue éloignée », on ne peut pas se rendre compte à quel point une langue peut être construite d’une manière très différente de notre langue natale, et donc par la même occasion à quel point l’anglais et le français sont proches. Aujourd’hui je me propose donc d’étayer un peu plus mon argumentation et de vous prouver que l’anglais et le français sont proches entre eux, que le japonais et le coréen sont proches entre eux mais très éloignés du français et de l’anglais.
Cet article n’est évidemment pas un cours de grammaire, mais je vais quand même aborder un certain nombre de points grammaticaux de l’anglais, du japonais et du coréen car sinon je ne pourrais pas vous expliquer les différences entre ces langues. Je pourrais me contenter de vous donner des statistiques mais je doute que cela suffise à vous convaincre vraiment.

I – D’un point de vue extérieur

Commençons par quelques faits établis par des linguistes.

A – Les familles de langues

Il existe ce que l’on appelle des familles de langues, établies par des linguistes. Ces familles regroupent les langues par proximité. L’anglais et le français appartiennent à la famille des langues indo-européènnes, et le japonais et le coréen à la famille des langues altaïques. Les langues n’étant évidement pas classées au hasard, deux langues de la même famille sont assez semblables.
Si on descend une catégorie plus bas*, le français et l’anglais sont ensuite séparées, le français étant une langue romane et l’anglais une langue germanique, tandis que l’espagnol reste dans le même groupe que le français (langue romane). Le japonais et le coréen sont aussi dans deux catégories différentes au sein des langues altaïques : le japonais appartient au groupe des langues japoniques, et le coréen au groupe des langues coréaniques. En fait ces deux langues sont considérées plus ou moins comme des isolats, c’est-à-dire qu’elles sont quasiment seules dans leur catégorie (mis-à-part deux trois dialectes très peu parlés), ce qui explique qu’on ait donnée ces noms là à leurs catégories.
*Pour ceux qui n’ont pas bien compris cette histoire de « catégorie plus bas ». Il faut imaginer le classement des langues comme celui des animaux : on peut toujours rediviser une catégorie en plusieurs catégories plus petites. Par exemple l’homme est plus proche du bœuf que du serpent car l’homme et le bœuf sont des mammifères. Par contre si on descend une catégorie plus bas, l’homme appartenant au groupe des primates est plus proche du singe que du bœuf, qui appartient au groupe des bovidés (ou un truc dans le genre). Pour plus d’infos ici.
La répartition des langues européennes : IMAAAAGE
On constate que les pays où les gens sont réputés parler bien anglais sont les pays dont la langue appartient au groupe des langues germaniques. Comme quoi ces classements ont vraiment un sens.

B – L’ordre des mots

L’ordre des mots dans une phrase simple est une autre façon de classer les langues. Le français et l’anglais sont de type SVO, à savoir Sujet-Verbe-Objet.
Exemple : je mange une pomme / I eat an apple
On peut constater que cette phrase est traduisible mot à mot.
Le japonais et le coréen sont de type SOV. Pour l’anecdote; chacune des six combinaisons existe dans au moins une langue.
Exemple de structure SOV :
Japonais : watashi ha ringo wo tabemasu
Coréen : jeo neun sagwa reul meogeoyo
(ne nous occupons pas de la prononciation)
Cela ne doit pas être aussi évident pour vous que pour moi, mais on peut là aussi traduire ces deux phrases mot à mot. Explication :
watashi = jeo = je
ha = neun = particule du sujet
ringo = sagwa = pomme
wo = reul = particule du complément d’objet
tabemasu = meogeoyo = mange
Attention ceci est une traduction contextuelle, chacun des mots ci-dessus (à part peut-être pomme) mériterait une explication plus approfondie qu’une simple traduction, mais je me contente d’expliquer ce qui est pertinent pour l’article. Vous commencez déjà à voir que oui, même pour une phrase aussi simple que ça on peut avoir des structures extrêmement différentes, et que du coup l’anglais et le français se ressemblent significativement.

C – Vocabulaire

Le vocabulaire aussi est très intéressant pour définir la proximité des langues. Ainsi deux langues du même groupe ont généralement un vocabulaire de base très proche. Le vocabulaire de base comprend les nombres, les couleurs, les parties du corps, les verbes simples (manger, dormir, etc). Par exemple le français et l’espagnol ont un vocabulaire de base assez proche. Par contre le français et l’anglais ont un vocabulaire de base assez éloigné, de même que le japonais et le coréen.
Néanmoins, deux langues de la même famille mais pas du même groupe ont généralement un vocabulaire de base différent, mais un vocabulaire « courant » (ie les mots qui ne font pas partie du vocabulaire de base) assez similaire. Et plus le mot de vocabulaire est rare et spécialisé, plus il a de chances d’être similaire dans deux langues de la même famille. Par exemple le vocabulaire de la science est très similaire en anglais et en français.

II – La grammaire

Nous allons maintenant entrer dans le vif du sujet, à savoir la grammaire en elle-même. Le but ici est de prouver que des structures de phrases qui nous paraissent absolument évidentes en se basant sur le français et l’anglais, ne le sont en fait pas. Je vais donc essayer de vous montrer par la même occasion pourquoi il est beaucoup plus facile pour un français d’apprendre l’anglais que pour un japonais (et du coup pourquoi il est beaucoup plus facile d’apprendre le japonais pour un coréen que pour un français).
Les explications ci-dessous décrivent des concepts communs au japonais et au coréen, mais pour simplifier les explications j’utiliserai seulement du vocabulaire japonais.

A – Deux particules élémentaires

En japonais il existe, comme je l’ai mentionné plus haut, des particules qui définissent la classe grammaticale du nom auquel elles succèdent : sujet, COD, complément circonstanciel, etc. Or pour le sujet il en existe deux : « wa » et « ga ». Ces particules, dont l’explication détaillée se trouve au bas de cette page pour les curieux, sont un vrai casse-tête pour les apprenants. Cependant comme elles sont ultra fréquentes (forcément, étant donné que la majorité des phrases comportent un sujet…), les maîtriser est essentiel pour approcher un niveau natif en japonais. Malheureusement, on ne peut pas demander à un natif d’expliquer leur fonctionnement, car bien que sachant les utiliser ils sont souvent incapables d’expliquer la différence. Les mêmes particules existant en coréen, il est donc très facile pour les coréanophones d’apprendre à les utiliser.
De la même manière, nous avons en français des petits mots ultra courants qui terrorisent les étrangers qui n’ont pas une langue indo-européenne pour langue natale : « le » et « un » (pour simplifier les explications on ne va pas s’encombrer avec « la », « l' » et « une » qui ne sont que des variantes de « le » et « un »). Ces deux mots ne sont pas interchangeables, et pourtant expliquer leur différence est très dur. Même lorsqu’on essaie de trouver une règle, on arrive toujours à trouver des contre-exemples après quelques secondes de réflexion. Comme les articles « the » et « a » en anglais s’utilisent à quelques exceptions près de la même manière, il est très facile pour nous d’apprendre à les utiliser.

B – Les compteurs

De la même manière qu’il existe des notions en anglais/français qui n’existent pas en japonais/coréen (cf point du dessus), il existe aussi des notions qui existent en japonais/coréen et qui n’existent pas en français/anglais.
Je vous présente donc la notion des compteurs. « Un » en japonais se dit « ichi ». Cependant, on ne peut pas utiliser ichi devant n’importe quel nom pour dire un quelque chose : il faut utiliser un mot différent selon la catégorie du nom. Et alors là c’est le début des problèmes : n’allez pas croire qu’il existe trois ou quatre catégories bien définies. Non, déjà il en existe des dizaines (si ce n’est des centaines), mais en plus elles sont tout sauf bien définies.
Par exemple il existe un compteur pour les petits objets type dés, gommes, etc et un pour les objets longs et fins type bouteilles, stylos, etc, mais dans quelle catégorie met-on les cure-dents?
Il existe un compteur pour les êtres humains et un pour les machines, mais dans quelle catégorie mettra-t-on les robots intelligents lorsqu’on les aura inventés?
Il existe un compteur pour les petits animaux type lapins, chihuahuas,etc et un pour les gros animaux type bœufs ou éléphants, mais où est la limite entre petit et gros? Par exemple dans quelle catégorie met-on un tigre ou un lion?
Et au cas où vous vous poseriez la question, non les natifs n’ont pas toujours de réponse spontanée à ces questions. Ne vous moquez pas, si je vous demande la conjugaison du verbe naître à la 2ème personne du pluriel à l’imparfait du subjonctif vous aurez sans doute du mal à me donner une réponse spontanée aussi; chaque langue a ses difficultés. (Pour les curieux la réponse était « que vous naquissiez »).
Je ne rentrerai pas dans les détails de la construction de ces compteurs qui est elle aussi assez complexe.
Plus d’infos ici (il existe aussi une page en français mais celle en anglais est plus détaillée).
Bref pour en revenir au sujet de départ, un occidental qui apprend le japonais sera tenté pour dire « une pomme » de dire « ichi ringo », ce qui est faux. Alors que comme en coréen la notion de compteur existe aussi, un coréanophone qui apprend le japonais et veut dire « une pomme » a beaucoup moins de risque de faire cette erreur.

C – Une bière s’il vous plait!

Un exemple qui me tient à coeur. En anglais on se contentera d’un « One beer please ». Mais en japonais ça ne marche pas comme ça. Tout d’abord; le vocabulaire : une = ichi, bière = biiru (la japonisation de beer) et svp = kudasai. Voilà pourquoi les étrangers qui arrivent au Japon et qui ont appris quelques mots de japonais dans « le japonais en trois jours » (ou je ne sais quel autre bouquin) arrivent avec un grand sourire « ichi biiru kudasai ». Bien tenté, mais peu de chance que ça marche. En fait le serveur comprendrait quand même si la prononciation était parfaite et donc qu’il pouvait identifier chaque mot. Mais en général, à ce niveau de grammaire la prononciation n’est pas parfaite. Pour vous donner une idée concrète, si un chinois vient et vous dit « moi vouloir riz » (oui j’aime les clichés) vous comprendrez si la prononciation est correcte. Maintenant s’il prononce comme un chacal et que vous entendez « moi boudoir lit » vous n’êtes pas près de lui donner son riz. D’où la tête d’ahuri du serveur japonais lorsque vous lui direz « ichi biiru kudasai ».
Bon alors, c’est quoi la phrase correcte?
Tout d’abord, si vous avez bien suivi le point du dessus vous devez subodorer un premier problème : on ne peut pas dire « ichi biiru ». Alors on utilise quel compteur ? Sans rentrer dans les détails, dans le cas d’une pinte on utilisera hitotsu, compteur assez général, qui peut être utilisé avec un peu tous les objets et qu’on utilise quand un objet ne rentre pas dans une autre catégorie. Donc on en arrive à hitotsu biiru kudasai. C’est mieux mais ce n’est toujours pas correct.
Pourquoi ça ne marche pas ? Je vous propose pour cela un petit cours de français. Savez-vous ce que sont les nombres ? Je veux dire, savez-vous quelle est la nature grammaticale des nombres ? En fait, en français, un nombre peut avoir valeur d’adjectif ou de pronom (à l’exception de « un » qui peut aussi être un article, d’où la différence en anglais entre « a » et « one »). Voilà pourquoi on peut le poser là comme ça devant le nom, comme par exemple dans la phrase « j’ai deux stylos », ou l’isoler, comme dans la phrase « des stylos, j’en ai deux ».
Or en japonais les nombres sont considérés comme des noms. Donc on ne peut pas mettre un nombre devant un nom, puisque cela ferait deux noms côte à côte. On doit utiliser la structure numéro deux, à savoir « des pommes, j’en ai cinq », soit concrètement le nom + la particule du COD (« wo ») + le nombre. Donc pour demander une bière on doit dire « biiru wo hitotsu kudasai ».
Et c’est la même structure en coréen, donc un coréen qui apprend le japonais ne peut pas faire cette faute. Par contre, en arrivant en Angleterre, il pourrait dire « A beer, one please », faute qu’un français ne pourrait pas faire.

D – Où es-tu ?

Un exemple beaucoup plus simple pour se reposer un peu les neurones. Lorsque l’on veut demander, notamment par sms, à une personne où elle se trouve, en anglais on peut traduire mot à mot, soit « where are you ? ». Or, contrairement à ce que l’on pourrait penser, la structure naturelle de la phrase « où es-tu ? » n’est pas la même dans toutes les langues. En japonais on dit « ima doko ? », qui se traduit littéralement par « là maintenant (t’es) où ? ». Et naturellement en coréen on a l’équivalent « jigeum eodi ? » qui a exactement la même structure.

E – Même si

Traduisible mot à mot en anglais par « even if », j’ai eu tendance en apprenant le japonais à le traduire littéralement aussi. Or dans l’expression équivalente en japonais et en coréen on n’a pas de « si ». Du coup « même si je vais » devient quelque chose comme « même je vais ». J’ai aussi entendu l’erreur inverse d’une coréenne qui me disait en anglais « even I go », sans se rendre compte que ça n’avait plus le même sens.

F – Qu’en penses-tu ?

Traduisible mot à mot en anglais par « what do you think (of it) ? », cette expression lorsque traduite littéralement est non seulement erronée, mais en plus elle induit en erreur car elle est généralement interprétée par les natifs par « A quoi tu penses ? ». La bonne façon de demander « qu’en penses-tu ? » est en fait « dou omou ? » qui traduite littéralement veut dire « comment penses-tu (à propos de cela) ? ». Pareil pour le coréen.
De la même manière, pour demander « quelle est la différence entre A et B ? », on ne demande pas littéralement « quelle est la différence entre A et B? » mais « dou chigau ? », c’est-à-dire « comment A et B diffèrent-ils ? ».

G – Dire non

En anglais et en français on a tendance à utiliser le mot « non » quasiment à chaque fois que l’on doit répondre par la négative. Du coup, lorsque dans son premier cours de japonais on apprend que non se dit « iié », on le dit tout le temps. Puis on se rend compte au bout d’un certain temps que l’on entend presque jamais les natifs le dire. C’est parce que pour répondre par la négative le japonais (et le coréen) ont plusieurs mots qui n’ont pas vraiment d’équivalents dans notre langue :
-damé (« il ne faut pas ») : mot utilisé lorsque vous ne pouvez raisonnablement pas. Exemple : on vous demande si vous allez à la fête de Jean-Claude samedi soir, mais vous avez un examen lundi : votre raison vous empêche donc d’y aller => réponse « damé ».
-muri (« impossible ») : un peu le même concept, sauf que cette fois ce n’est pas une raison morale qui vous empêche d’y aller mais une raison physique. Exemple : on vous demande si vous allez à la fête de Jean-Claude samedi soir, mais ce week end vous vous enjaillez à Rio de Janeiro : vous êtes donc dans l’incapacité physique d’y aller => réponse « muri ».
-iyada (« j’aime pas ») : vous n’avez tout simplement pas envie. Exemple : on vous demande si vous allez à la fête de Jean-Claude samedi soir, mais vous n’avez vraiment pas envie d’aller chez ce gros relou de Jean-Claude => réponse « iyada ». Attention cette réponse est assez malpolie, donc on évitera de l’utiliser si la personne qui vous pose la question est Jean-Claude lui-même. Par contre si c’est quelqu’un qui n’aime pas trop Jean-Claude non plus c’est bon.
-chigau (« c’est différent ») : utilisé lorsque l’interlocuteur dit quelque chose (ou pose une interronégative) et que vous voulez lui indiquer qu’il s’est trompé ou qu’il a mal compris ce que vous avez dit. Exemple : on vous demande « Mais toi samedi tu vas à la fête de Jean-Claude, c’est bien ça? », mais en fait vous n’y allez pas, il s’agit là d’une incompréhension => réponse « chigau ». (ce cas est exclusif au japonais, en coréen on utilisera le « non » normal).
Alors on l’utilise quand, ce fameux « iié »?
Essentiellement dans les bouquins de grammaire pour débutant en fait (si, je suis sérieux). Il y a un autre cas de figure qui me vient à l’esprit, c’est lorsque l’ordinateur vous affiche un message du type « Etes-vous sûr de vouloir continuer? » et qu’il y a un bouton « oui » et un bouton « non ». Sinon “iié” pourrait en théorie aussi être utilisé, dans certains cadres formels, comme lors d’une réunion de business. Mais comme en fait il est assez malpoli de dire directement non en japonais, un natif essaiera de trouver un moyen détourné de vous faire comprendre que c’est non, et n’aura donc quand même pas besoin de « iié ». Enfin, ce mot est aussi utilisé pour dire “de rien”, après que quelqu’un ai dit “merci”. Mais du coup il n’a plus le sens de “non”.

H – Aller et venir

En français/anglais, l’utilisation des verbes aller et venir n’est pas tout-à-fait la même qu’en japonais/coréen, mais on vous l’apprendra rarement en cours. C’est le genre de chose dont il faudra se rendre compte par soi-même dans la réalité, après avoir utilisé le verbe venir à la française dans une phrase japonaise que votre interlocuteur n’aura pas comprise.
Je pense à une situation en particulier : lorsque vous voulez inviter quelqu’un, quelque part ailleurs que chez vous. Par exemple lorsque vous demandez à votre ami « Tu viens au restaurant demain ? » / « Are you coming to the restaurant tomorrow ? ». En japonais et en coréen il faudra utiliser le verbe aller : « ashita resutoran ni iku ? » / « naeil shiktange ka? »
Pourquoi cette différence ? Selon moi, parce qu’en français/anglais la notion d’aller et venir est définie par rapport au lieu où se trouvera le locuteur au moment de l’action, alors qu’en japonais/coréen elle est définie par rapport au lieu où se trouve le locuteur en l’instant présent. Du coup cela ne change rien lorsque l’on parle au présent, mais fait une différence au futur : si demain vous vous trouverez dans un lieu différent, la distinction entre aller et venir en anglais/français se fera par rapport au lieu où vous serez demain, alors qu’en japonais/coréen par rapport au lieu où vous êtes maintenant. Cela peut avoir l’air d’être un détail, mais cela peut générer d’importantes confusions : supposons qu’un ami japonais, pensant dans sa langue natale, vous demande « Tu vas au restaurant demain? », vous risquez de penser que lui n’y va pas. Et vice versa, si par exemple vous êtes chez vous et que vous demandez à votre ami coréen « Tu viens demain? » en omettant le COD (ce qui reste une phrase parfaitement correcte), le coréen risque de penser que vous lui demandez s’il vient chez vous et non au restaurant.

I – Les adjectifs au passé

En japonais, on peut utiliser la plupart des adjectifs sans le verbe être. Par exemple si vous voulez dire que quelque chose est bon, pas la peine de s’embêter à dire « c’est bon », seulement « bon » suffira.
Certains adjectifs ont aussi une fonction très pratique, qui est la possibilité d’être « conjugués »; Ainsi, lorsqu’on veut dire « c’était bon », toujours pas besoin du verbe « être », il suffit de mettre l’adjectif « bon » au passé. Du coup en apprenant le japonais on peut être tenté pour dire « c’était bon » de conjuguer le verbe être au passé, mais c’est faux : il faut conjuguer l’adjectif au passé et laisser le verbe être au présent (ou le supprimer).
En coréen l’adjectif s’utilise de manière assez différente du japonais, mais a ce point commun de pouvoir être conjugué.

J – Le langage poli

Le langage poli en japonais et en coréen est plus ou moins équivalent du vouvoiement en français.
C’est un sujet extrêmement complexe, car contrairement au français où l’on n’a que deux niveaux qui dépendent seulement de la relation qu’on les deux personnes qui discutent, en japonais on a plusieurs degrés en fonction du statut de l’interlocuteur, du statut de la personne dont on parle et du statut des personnes en présence. A savoir si je parle à un collègue plus haut placé que moi, je ne dois pas lui parler de la même manière si je parle d’un autre collègue plus bas ou si je parle du patron, et je ne dois pas non plus lui parler de la même manière selon que le patron est présent dans la pièce ou non. Et si je parle à une princesse c’est encore différent.
Vous vous dîtes peut-être qu’en français non plus on ne parle pas de la même manière au Président de la République ou à son patron, sauf qu’en français c’est uniquement le vocabulaire qui diffère, et non la forme des verbes.
En coréen on a quelques différences avec le japonais, notamment une différence dans le discours formel et informel, à savoir si je dis « veuillez ne pas fumer » à l’oral ou si c’est écrit sur une affiche le verbe ne sera pas conjugué de la même manière, même si le niveau de politesse est le même.
Bref la partie qui m’intéresse est le fait que ce soit la terminaison du verbe qui change en fonction du niveau de politesse. Du coup, contrairement au français où le choix du niveau de politesse ne se fait que lors du discours direct (c’est-à-dire lorsque je dis « tu » ou « vous ») en japonais et en coréen il se fait dans TOUTES les phrases. Lorsque je dis « il pleut », la terminaison du verbe est différente selon la personne à qui je le dis. Sauf que comme ma langue natale est le français, il m’arrive lorsque je parle en japonais de me tromper et de dire une phrase en « tutoiement » alors que je ne devrais pas. Problème qui ne risque pas d’arriver à un coréen qui à l’habitude dans sa langue natale de « vouvoyer » même pour dire « il pleut ».

K – Les propositions subordonnées

Si vous avez réussi à aller jusque-là, je suppose que vous êtes prêts pour la partie qui va suivre. On commence à arriver dans de la grammaire assez complexe, mais j’espère que mes explications seront claires.
Alors qu’en français et en anglais la proposition subordonnée se place après le nom qu’elle qualifie, en japonais et en coréen elle se place devant. De ce fait il faut beaucoup de temps lorsqu’on apprend une de ces langues pour arriver à les construire spontanément, surtout à l’oral, car il faut penser « à l’envers ». Prenons un exemple simple : lorsque vous voulez dire en français « la pomme que je mange », vous pensez d’abord au sujet (pomme) puis vous la qualifiez grâce à la proposition subordonnée. Le problème est que si vous parlez en japonais et que vous commencez par dire pomme vous serez très embêté, car la subordonnée devait venir avant le sujet; vous devez donc recommencer la phrase à zéro.
Amusons-nous à traduire la phrase suivante : La pomme que je mange est verte comme de l’herbe. (oui cette phrase est un peu débile, mais c’est le côté grammatical qui m’intéresse).
Comme je veux insister sur l’ordre des mots, on va supprimer les particules et ne garder que les mots essentiels : Pomme je mange être verte comme herbe
Si on regarde l’anglais : The apple I’m eating is green like grass
En traduisant mot-à-mot et en enlevant les particules, on obtient exactement le même ordre des mots qu’en français: Apple I eat be green like grass => Pomme je mange être verte comme herbe.
Maintenant qu’en est-il du japonais?
Comme vous pouvez le remarquer, on a deux propositions subordonnées (« que je mange » et « comme de l’herbe », que l’on va devoir mettre chacune devant le nom qu’elles qualifient.
Ce qui donne : (je) mange pomme* herbe comme verte être
Et devinez quel est l’ordre en coréen? Tadadam : le même qu’en japonais.
Evidemment ça semble beaucoup moins spontané pour nous, et du coup on imagine facilement que notre ordre des mots n’est pas spontané non plus pour les gens qui n’ont pas une langue indo-européenne comme langue natale.
*je mange pomme : certains d’entre vous se demandent peut-être : du coup, si dans « je mange pomme » le « je mange » est une proposition subordonnée, comment font-ils la différence avec la phrase « je mange une pomme »? Ils utilisent une particule différente?
Alors déjà oui, les particules ne sont pas les mêmes, mais même sans particule on comprendrait, car je vous rappelle qu’en japonais le verbe se met à la fin de la phrase. Du coup « je mange une pomme » devient « je pomme mange ».
Pour résumer :
sur le modèle (fr) fr simplifié => jp
(je mange une pomme) « je mange pomme » => « je pomme mange »
(la pomme que je mange) « pomme je mange » => « je mange pomme »
Voilà pourquoi plus la phrase est longue, plus il va vraiment falloir réfléchir longtemps pour la traduire en japonais (alors qu’en anglais on aurait beaucoup moins de problèmes). Je me demande d’ailleurs comment font les interprètes professionnels; il ne peuvent pas commencer à traduire une phrase avant qu’elle soit finie, du coup j’imagine qu’ils doivent dire la phrase tout en étant en train d’écouter la phrase suivante simultanément.


Si vous voulez quelques explications supplémentaires voici une vidéo assez intéressante.

Cet article a entièrement été écrit par mes soins, sur la base de mes connaissances. Toute reproduction totale ou partielle est formellement interdite.

Pierre

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